Interview de Sheelu Francis, Tamil Nadu Women’s Collective, Tamil Nadu – Inde
Sheelu Francis est une leader internationalement connue du collectif fort de 60 000 femmes, actif dans tout l’état de Tamil Nadu, dans le Sud de l’Inde. Sheelu est également la porte-parole internationale du Collectif: elle parle des impacts du commerce international, de la dette et des activités des entreprises transnationales sur le développement local, sur la sécurité alimentaire et la souveraineté.
Marcos Arruda, avril 2004
En d’autres langues : Español
1- Quel est le but principal de votre activité économique?
Le but principal est la promotion des femmes et des marginalisés de Tamil Nadu en général, afin qu’ils deviennent les sujets d’activités socio-économiques, tout en surmontant leur dépendance, subordination et humiliation séculaires. Dans le contexte du Collectif des Femmes, ils réalisent plusieurs activités: l’élevage du bétail laitier, des poules, la fabrication de denrées comestibles, le commerce de tissus, le tissage du coton, la fabrication de savons aux herbes, les conserves de fruits (mangues, tamarinds), la production de confitures et de conserves au vinaigre, la conduite des rickshaws, les établis de réparations de cycles, la fabrication d’armoires en acier, la culture organique, le compost organique, le spray de compost. 60% des fermiers du Tamil Nadu ne possèdent pas de terre. 1% seulement de la terre appartient à des femmes, et 1% à des dalits, ou intouchables.
Le Collectif se concentre sur les dalits, les femmes et les pêcheurs. Une sécheresse de trois ans a provoqué l’abaissement du niveau de la nappe fréatique, entraînant une augmentation de la faim et de la souffrance dans la région. Un objectif plus matériel est donc de créer des activités durables qui garantissent au moins deux repas par jour, sans que les gens aient besoin de recourir à des prêts.
II. Êtes-vous engagés dans une économie DIFFÉRENTE? En quoi se différencie-t-elle de l’économie dominante?
Certainement. En plus de la production et la manufacture, les gens s’occupent également d’épargnes auto-gérées et d’un système de gérance de crédit, basé sur 10 à 20 groupes auto-gérés sur tout le territoire de Tamil Nadu. Le Collectif est présent dans vingt districts et couvre un total de 1540 villages; la plupart de ses participants sont des femmes. Elles s’organisent en groupes d’aide mutuelle, village par village. Leur économie est une économie orientée vers les besoins des gens, et se caractérise par des rapports de pouvoir horizontaux; la construction de son propre pouvoir est un défi pour chacun des membres du Collectif. L’une des approches économiques les plus innovatrices du développement d’un village est notre méthodologie d’initiation. La base de cette méthodologie consiste en l’apprentissage participatif. Nous commençons par faire une carte du village, nous identifions les pauvres, leurs besoins et leurs ressources, ceux qui contractent des prêts auprès des usuriers. Nous arrivons graduellement à montrer ce qui se passe quand l’argent reste au village, au lieu d’être englouti dans le syphon des intérêts de la dette.
III. Qu’est-ce que le mot ABONDANCE veut dire pour vous? Est-ce que l’abondance matérielle est un but, ou bien un moyen d’atteindre quelque-chose d’autre? Et que serait cette autre chose?
L’abondance, c’est quand les familles ont assez pour elles et qu’il reste un surplus à stocker. Nous ne concevons pas l’abondance matérielle en tant que but en soit. Nous n’avons pas besoin de trop; nous avons besoin de suffisance matérielle pour unir les gens et pour qu’ils affrontent ensemble des problèmes communs. Une télévision communautaire est suffisante, il n’est pas nécessaire d’avoir une télévision dans chaque foyer. Par-contre, une maison décente pour chaque famille, ça, c’est crucial. Une garantie d’emploi, trois repas par jour, un environnement sûr, etc.
{{IV. Quelles sont les VALEURS que vous et vos camarades mettez en pratique dans votre vie quotidienne et dans votre travail? D’après vous, est-il possible que ces valeurs prédominent un jour dans la société comme un tout? Comment les divulguer?
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Les valeurs principales sont déjà présentes, elles font partie de la culture indienne. Mais la longue exposition aux pouvoirs occidentaux coloniaux et impériaux ont provoqué bien des changements, et, dans bien des cas, les gens ont été aliénés de leurs racines culturelles. L’idée-clé est de construire un pouvoir politique et cultural au sein des marginaux, surtout des femmes. La construction de son propre pouvoir en tant que processus est donc crucial et l’éducation visant la construction de son propre pouvoir forme le noyau de l’effort du Collectif.
V. Quelles innovations avez-vous développées en termes de l’organisation, de l’administration et de l’appropriation des fruits du travail?
Les groupes d’aide mutuelle qui contrôlent leur propre argent ainsi que leurs transactions financiers sont l’innovation-clé. Le système d’auto-administration financière fonctionne de telle façon que, lorsque la sécheresse sévit, les emprunteurs ne paient pas d’intérêts, mais seulement le principal. Les groupes servent de base pour les activités du village, y compris la production agricole. Une autre innovation est l’introduction de l’agriculture organique, au nom de la sécurité et de la souveraineté alimentaire. L’idée est que les familles controlent la production et la distribution de leurs propres aliments, et pas n’importe quels aliments, des aliments sains. Ils organisent la conservation des semences qu’ils échangent ensuite entre eux. Collecter l’eau de pluie sur les toits pour la boire et pour irriguer les plantations requiert de nouvelles structures, comme des réservoirs plus profonds, et la protection contre l’évaporation. La devise est “qu’aucune goutte de pluie ne soit gaspillée sur le sol”. Nous avons également introduit des systèmes pour protéger la terre de l’érosion. D’autres pratiques visant l’indépendance et la durabilité comprennent la culture agro-forestière et d’autres moyens de protéger les ressources naturelles. Tout est administré collectivement, y compris les finances.
VI. Pensez-vous qu’il soit important de travailler au sein de réseaux de solidarité ou dans des chaînes de production solidaire ? Que représentent-elles, à votre avis?
Nous nous consacrons au développement de chaînes productives, et la commercialisation est une activité-clé. Les producteurs de compost de vers de terre ont besoin de vendre leurs produits à des fermiers. Les pêcheurs doivent vendre leurs produits rapidement, sinon ils se gâtent. Les réseaux solidaires leur permettent de vendre leur marchandise et de compter sur des marchés durables. Nous pensons que le lien entre les populations rurales et urbaines est très important. Les épiceries s’approvisionnent en ville. Les coopératives locales fabriquent du sel, cassant ainsi les oligopoles des grandes entreprises. Les organisations urbaines de la société civile ont organisé des écoulements de marché dans les villes pour le Collectif, mais notre production est encore insuffisante pour répondre à cette nouvelle demande.
VII. Est-ce que votre activité a de l’influence sur la vie de la communauté? Si oui, comment, et dans quelles sphères?
Les commentaires précédents répondent de façon efficace à cette question.
VIII. D’après votre expérience, qu’est-ce que le travail? Quelle est sa valeur et sa signification dans la vie?
Le travail est doublement important pour les femmes, parce qu’elles travaillent déjà au sein du ménage et maintenant, elles travaillent également pour assurer la survie matérielle de leurs familles en exécutant des tâches productives. L’emploi fourni par le gouvernement pour les travailleurs sans terres est un soulagement, mais pas une solution durable. Nous leur apprenons qu’ils peuvent travailler avec d’autres technologies et prendre des initiatives de par eux-mêmes. L’économie des gens est une source d’occupation stable pour les femmes, qui étaient habituées à rester confinées chez elles, et qui sont maintenant actives au sein de l’économie de l’état de Tamil Nadu. Elles se sentent fières et leur statut s’est considérablement élevé auprès des hommes, auparavant dominants, qui les respectent beaucoup plus.
IX. Quel rôle les femmes jouent-elles au sein d’une initiative économique basée sur la coopération et la solidarité?
Les femmes jouent un rôle important en construisant une économie centrée sur les gens. Les hommes avaient l’habitude de passer la moitié de leur temps en buvant, et seulement l’autre moitié avec leur famille. Les femmes garantissent des fonds de famille ainsi que du travail en plus pour subvenir à tous les besoins et désirs de leur famille. Les hommes sont souvent très endettés, et incapables d’administrer leurs finances. Les femmes sont douées pour cela, parce que ce sont elles qui administrent leur foyer.
X. Comment l’Etat et les politiques publiques peuvent-ils contribuer au progrès d’une Socio-économie Solidaire?
Le Néo-libéralisme a apporté des machines pour augmenter la productivité et les profits des détenteurs de capitaux. Cela a nuit grandement aux femmes. Nous organisons des manifestations pour protester contre les machines, lorsque le gouvernement ou des enterprises locales les font entrer dans le pays; les gens ont leurs propres façons de travailler qui sont très productives pour subvenir à leurs besoins. L’économie nationale devrait pouvoir fournir du travail stable pour tous. Les femmes s’engagent de plus en plus dans les mouvements politiques locaux. Elles occupent maintenant 33% des sièges à l’assemblée de l’état et du Parlement national.
XI. Croyez-vous que la globalisation de la coopération et de la solidarité soit possible? Comment pourrait-on la réaliser?
Je crois qu’un autre type de globalisation puisse exister, une globalisation qui bénéficie les gens, et pas seulement les capitalistes. Mais cela ne sera possible que si la coopération et la solidarité deviennent les formes principales de rapports parmi les gens. Ce sont des valeurs typiquement féminines. C’est pourquoi les femmes doivent jouer un rôle important dans la construction de la solidarité globalisée.
{1. Nom de l’intervieweur: Marcos Arruda, PACS
2. Nom de la personne interviewée: SHEELU FRANCIS; femme
3. Nom du type d’initiative socio-économique: Tamil Nadu Women’s Collective
4. Date et lieu de l’ interview: Glasgow, le 2 avril 2004.
Adresses de contact:
Tamil Nadu Women’s Collective – E-53, 15th Street, 2nd Cross, Periyar - Nagar, Chennai – 600 082 - Tamil Nadu – Inde
Tel. 9122 2550 1257
E-mail: sheelu1@vsnl.com}
Sources :
Chantier Vision du PSES
Voir aussi :
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Mme Houngbo Julienne est membre de l’Association des caisses de financement du Bénin (ACFB) dont elle assure actuellement la présidence.
Aurélien Atidegla, novembre 2003
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Joaquim est membre de la COOPEVIDA. Actuellement, il est le coordinateur général du CENTRU-MA (Centre d’Education et Culture du Travailleur Rural) et Vice-Président de la CCAMA (Centrale de Coopératives Agro-Extractives du Maranhão). Joaquim et sa famille possèdent un terrain de 33 hectares dans le sud du Maranhão, dans la municipalité de Mangabeiras.
Marcos Arruda, novembre 2003
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Interview de CEDESA et REMECC (Réseau Méxicain de Commerce Communautaire).
La première organisation s’occupe de développement intégral dans plusieurs communautés paysannes dans la région de Dolores Hidalgo Guanajuato. La deuxième, de commercialisation au niveau national; elles sont liées à RELACC (Réseau Latino-Américain de Commerce Communautaire) basé en Equateur. Travaille dans le domaine de l’économie solidaire impliquant auto-consommation et consommation consciente pour aller vers un développement autocentré.
Chilo Villareal, décembre 2003
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Interview de Maria Guadalupe Castañeda, région de l’Isthme de Tehuantepec au Mexique.
L’association travaille dans le domaine de l’appui à des projets agricoles selon des principes du commerce équitable. Elle assure le suivi de ces organisations:Conseil, Projet et Evaluations.
Chilo Villareal, décembre 2003
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Interview de Austreberta Luján, Communauté Chatinos, région de Oaxaca au Mexique
Production et consommation de café Jamaica de qualité produit selon les principes de l’économie solidaire et de l’agriculture biologique.
Chilo Villareal, janvier 2004
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Interview de Lozada Seminario Marianella , Groupe Initiative d’Economie Solidaire - Chiclayo (Pérou)
Activité dans le domaine de la formation, production, commercialisation au Pérou
Humberto Ortiz Roca, janvier 2004
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Interview de Pariona Fredy, Magasin du Commerce équitable à Huancayo (Pérou)
Activité dans le domaine du commerce équitable
Humberto Ortiz Roca, janvier 2004
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Interview de Monsieur Walter Velasquez Nunez, Gies Cuzco - Conseil en affaires agricoles - Pérou
Gies Cuzco - Conseil en affaires agricoles
Humberto Ortiz Roca, janvier 2004
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Dans un cadre économique très dégradé, l’économie Bayanihan ou économie solidaire aux Philipines met au centre les questions de formation, l’importance de Dieu, se délivrer de l’attitude de mendicité et apprendre à épargner ainsi que d’entreprendre dans un esprit différent.
Benjamin R. Quiñones, Jr., février 2004
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Entrevista de Annie Garcia - Golden Harvest Christian Ministry International, Filipinas
La Economía « Bayanihan » o economía solidaria en las Filipinas pone el enfoque en el elemento espiritual y el permitir a comunidades pobres alcanzar una forma de éxito. Trabajan en distintas partes de la cadena productiva de manera que las organizaciones populares intercambien entre ellas. Estos proyectos permiten una mejora sustancial de la calidad de vida de las personas implicadas.
Benjamin R. Quiñones, Jr., février 2004
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Interview de l’organisation- LJOR Fellowship, Philippines
L’organisation LJOR Fellowship coordonne sept organisations populaire dans sept villages. Ses activités comprennent la formation de valeurs, l’organisation communautaire, l’accumulation de capital, le développement d’entreprises et le renouvellement spirituel. Cette expérience s’inscrit dans le cadre de l’économie “Bayanihan” ou économie solidaire aux Philippines.
Benjamin R. Quiñones, Jr., février 2004
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Interview avec l’organisation Pasay City Cooperative Service, Philippines
Le Pasay City Cooperative Service promeut l’établissement et le renforcement de coopératives (habitat et identification de projets économiques pour les populations des bidonvilles). Il organise, coordonne et met en réseau 10 organisations populaires dans 10 villages. Importance de la sagesse et du spirituel.
Benjamin R. Quiñones, Jr., février 2004
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Interview de NETECO -Organisation de Droits Humains intégraux, Puebla, Mexique
Importance du travail de groupe et d’amélioration de l’alimentation.
Chilo Villareal, mars 2004
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Interview de l’Organisation Nahuathl Indépendante. (ORNI), Région de Nuevo Necaxa, Puebla, Mexique
L’ORNI est une société de Solidarité Sociale formée par 6 villages indiens de la Région de Nuevo Necaxa, Puebla, au Mexique. Elle travaille dans le domaine de la santé et de l’alimentation selon les principes de l’autogestion et du commerce équitable. Met l’accent sur la mémoire communautaire et l’importance du rôle des femmes dans la communauté.
Chilo Villareal, mars 2004
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M. Déguénon Victor est âgé de 60 ans, marié et père de 8 enfants. Il a embrassé la carrière de jardinier depuis le 5 janvier 1972. Il a été élu président déjà une fois au niveau de l’Association des jardiniers de Houéyiho en 1992. En raison des réformes inhérentes à la décentralisation, il a été réélu à la dernière élection pour porter son savoir-faire à l’œuvre de l’émergence de leur coopérative.
Aurélien Atidegla, avril 2004
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Oscarina est une représentante des travailleurs associés au mouvement de l’ECOSOL brésilien; elle est une leader du Forum de São Paulo de l’Economie Solidaire, et la seconde représentante de la région sud-est auprès de la coordination exécutive du FBES-Forum Brésilien de l’Economie Solidaire. La coopérative fonctionne dans le domaine de la psychologie – le groupe a opté pour la Psychologie Sociale Communautaire
Rosemary Gomes, mars 2004