(Biens) Communs, quel avenir?. Un enjeu stratégique pour l’économie sociale et solidaire

Sito de la casa editrice

Pierre Thomé, Editions Yves Michel, Gap, France, 2016

Préface de Christian LAVAL

« On ne changera pas le monde avec des mots, mais on peut au moins choisir ceux qui diront et accompagneront les changements nécessaires. » [Alain Rey, 2013]

Qu’y-a-t-il de commun entre les comités de l’eau à Cochabamba (Bolivie) et les coopératives à l’origine du savoureux fromage de Beaufort en Tarentaise ? Des COMMUNS tout simplement ! construits par des hommes et des femmes agissant pour améliorer leur environnement social, économique, écologique.

Cet essai explore le concept de COMMUN ( S ) en limitant son champ d’étude aux ressources naturelles les plus vitales (eau, terre arable, air) ; c’est un choix méthodologique, mais aussi politique puisque l’avenir de la Planète Terre est dans le bon ou le mauvais usage que l’humanité entend faire de ces ressources.

Un mot n’est peut-être qu’un mot, mais il est, ce qui a son importance, puisqu’il sous-tend des idées et des pratiques, ainsi en est-il pour COMMUN , et ce mot devient concept quand il est associé à d’autres mots, dont ceux de l’ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE ( ESS )

Un simple mot pour de grandes choses ? Déjà, un COMMUN n’est pas une chose dans le sens d’un objet matériel préexistant dans la nature ; ce qui conduit à le dissocier de l’idée de ‘’bien’’ utilisée pour déclarer une ressource vitale, l’eau par exemple, bien commun universel ; belle intention réaffirmée régulièrement dans de nombreux Sommets mondiaux, mais qui se heurte à la réalité du droit d’accès, droit qui n’est pas intangible par nature, loin s’en faut. Ce qui nécessite qu’il soit en permanence conquis, reconquis, tant il peut être mis à mal par la ‘’Tragédie des communs’’, celle de ‘’l’enclosure’’ des ressources naturelles vitales par une petite minorité au nom du sacro-saint droit de propriété foncière.

Ainsi, des populations entières se trouvent privées d’un accès direct à l’eau potable et à son assainissement, perdent des droits coutumiers d’usage de terres arables, de pâturages… Et le réchauffement climatique, même s’il est freiné, va amplifier ces grandes inégalités. Des hommes et des femmes n’admettent pas d’être ainsi méprisés et s’organisent pour prendre ou reprendre l’usage et le contrôle de ces ressources participant, par leur action collective, au changement d’une histoire locale à la fois sociale, économique, écologique, et pourquoi pas aussi d’une histoire globale, celle qui évoque les COMMUNS depuis Aristote et Platon !

C’est ainsi que naissent des COMMUNS ; en voici une définition possible : un COMMUN est la construction d’un Tout social, économique et environnemental. Il permet à des acteurs de la société civile, associés éventuellement à des acteurs institutionnels publics ou privés, de gouverner ensemble : des territoires plus ou moins importants de ressources naturelles vitales / les productions qui en sont issues / la destination des bénéfices collectifs, non seulement financiers, mais aussi culturels, environnementaux, politiques… Une telle réalisation doit, non seulement s’instituer elle-même en définissant ses propres règles de gouvernance démocratique, polycentrique, en réseau… mais aussi être instituée, c’est-à-dire entrer dans des cadres administratifs, juridiques (titres de propriété…), les cadres institutionnels proposés par l’ ESS , associations, coopératives…, paraissant tout à fait adaptés.

L’ ESS est le deuxième volet de cette étude. Plusieurs exemples montrent les liens étroits qu’elle peut établir avec le processus du FAIRE COMMUN , cependant elle n’en a pas l’exclusivité puisque plusieurs situations évoquées font référence à des types d’organisations qui n’appartiennent pas habituellement à l’ ESS (par exemple GAEC, Société en commandite par actions), mais une loi récente (juillet 2014) introduit un élargissement de la définition du champ d’action de l’ ESS vers l’entreprenariat qualifié de social.

Enfin les COMMUNS ont souvent besoin de partenariats avec des acteurs institutionnels privés et publics, les plus fréquents étant des collectivités territoriales. Comment ces différents acteurs peuvent se rencontrer et co-gouverner des ressources ? Là encore l’ ESS peut le favoriser avec une forme de coopérative récente : la Société coopérative d’intérêt collectif ( SCIC ), plusieurs expériences sont présentées dans le domaine de l’alimentation, de l’énergie renouvelable…

Sommaire

L’introduction évoque le passage tourmenté d’un siècle à l’autre…, mais avec une ouverture possible vers les COMMUNS

Quatre chapitres

1. Économie sociale et solidaire et COMMUNS : fondements de l’ ESS ; un COMMUN défini comme une construction sociale plutôt que comme un bien

2. COMMUNS dans la gouvernance de l’eau, de terres arables et de l’alimentation

3. Pastoralisme en COMMUNS dans les montagnes de Tarentaise

4. Les sociétés coopératives d’intérêt collectif ( SCIC ), un modèle d’organisation pour les COMMUNS

La conclusion émet l’hypothèse que cette stratégie des COMMUNS pourrait participer au renouvellement d’un récit politique qui, polarisé sur les taux de croissance, les marchés financiers et la sécurité, n’arrive plus à mobiliser des citoyens en manque de perspectives. Et elle propose, nouvelle utopie peut-être, la création de ‘’l’impôt mondial alternatif des COMMUNS ’’ prélevé à la source des revenus et destiné au développement partout dans le monde de COMMUNS territoriaux consacrés aux ressources naturelles vitales, ce serait aussi l’un des moyens pour agir localement contre le réchauffement climatique.

Les auteurs :

Pierre Thomé vit dans la région lyonnaise et a travaillé dans l’action sociale. Il est déjà l’auteur du livre Créateurs d’utopies. Démocratie, autogestion, économie sociale et solidaire (éd. Yves Michel, 2012).

Jean Huet (auteur du chapitre 4) est chargé de mission SCIC à la Confédération générale des SCOP. Il est l’auteur du livre Vers une gestion coopérative de l’eau (éd. Fondation Gabriel Péri, 2014).

Christian Laval (auteur de la préface) est professeur de sociologie à l’université Paris ouest Nanterre la Défense. Son dernier ouvrage paru (avec Pierre Dardot) est : COMMUN. Essai sur la révolution au XXIe siècle (La Découverte, 2014).