Repenser les rapports entre démocratie et économie
conférence PEKEA, Rennes 2005
Jean-Louis Laville, novembre 2005
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Compendio :
Il existe une tension récurrente entre démocratie et économie. Au dix-neuvième siècle, elle a incité à une autonomisation de l’économie qui s’est révélée contradictoire avec l’affirmation des idéaux démocratiques ; au vingtième siècle, à l’inverse, elle a engendré un volontarisme politique s’attachant à subordonner l’économie. La désillusion engendrée par cette survalorisation du politique explique que lui ait succédé à son tour un réalisme étriqué qui sacralise l’existant et convertit le libéralisme en une idéologie de défense du statu quo. Cette contribution rappelle d’abord comment, dans la seconde moitié du dernier siècle, se sont succédé ces deux déterminismes, l’un inféodant l’économie à la décision politique, l’autre invalidant toute intervention politique dans l’économie. Elle souligne à cet égard que l’idéologie libérale ne saurait être acceptée, le marché ne saurait être considéré comme le complément fonctionnel de la démocratie. Au contraire, la difficulté présente réside dans cette érosion constante de la démocratie par une économie laissée à son libre mouvement et qui sape lentement l’idée même d’un destin collectif. Cette détérioration se traduit par ce que de Leonardis (1997, 177) appelle le privatisme, ce processus « qui enlève à l’acteur social sa capacité à s’inscrire dans la communication sociale et dans les interactions collectives relatives à la société : qui le prive de l’espace public d’action des conditions intersubjectives de la réflexivité, bref de la consistance publique ».
En conséquence une réflexion contemporaine sur la démocratie qui n’intègre pas la nécessité que celle-ci irrigue l’économie se condamne à l’impuissance. La vitalité de l’engagement public ne peut être le fruit d’innovations n’ayant trait qu’au fonctionnement des institutions politiques : sans céder au mirage de la rupture, ni à l’emprise de la résignation, c’est en se réappropriant l’histoire des pratiques sociales de démocratisation de l’économie et en s’appuyant sur leur dynamique actuelle qu’il s’avère concevable d’œuvrer pour une démocratisation de la société, ce qui suppose d’affronter à nouveau la question des rapports entre démocratie et économie. C’est aux formes émergentes de ce nouveau questionnement politique de l’économie qu’est consacrée la seconde partie de ce texte.
Fonti :
Site de PEKEA www.pekea-fr.org/